A/ A quoi correspond une membrane épirétinienne?
Et pourquoi moi ?
Il s’agit d’un tissu qui s’est développé sur la surface de la rétine au niveau de la macula un peu comme une membrane cellophane au contact de la rétine et qui en se contractant perturbe la fonction des cellules de la rétine.
L’intérieur de l’œil est constitué d’un gel, le vitré, qui est formé par des millions de fibres de collagène qui sont attachées à la rétine. La consistance du vitré est similaire à celle du blanc d’œuf. Avec le temps, ce vitré se rétracte et se détache de la rétine. Dans la majorité des cas, cela se fait sans effet secondaire excepté l’apparition de corps flottants.
Cependant, le vitré est parfois un peu plus adhérent à la rétine que d’habitude. En se détachant, le vitré peut alors créer des micro-traumatismes de la surface rétinienne. La rétine débute alors un processus de réparation avec la formation d’un tissu cicatriciel, membrane épirétinienne, sur la surface maculaire. Cette membrane se développe surtout après 60 ans. Plus rarement, on peut observer des membranes épirétiniennes chez des adolescents ou adultes jeunes.
B/ Quel est le retentissement sur la vision?
Au début, il n’y a pas de retentissement sur la vision. Avec le temps, la contraction de cette membrane induit une altération de la macula à l’origine d’une diminution de la vision et d’une déformation des images (métamorphopsies).
L’évolution est relativement lente et la sensation de progression évolue sur une échelle de 3 à 12 mois. La gêne visuelle engendrée par la membrane est perçue de façon variable par les personnes. En effet, la vision au moment du diagnostic varie d’une petite baisse à une perte importante de la vision.
Les déformations des images sont moins bien tolérées et peuvent entraîner une gêne de la vision du bon œil.
Les membranes épirétiniennes n’affectent pas le champ visuel, seul le centre est touché et il n’y a pas de menace de cécité complète en cas d’évolution majeure. Il n’y a jamais d’amélioration spontanée, ou alors de façon vraiment très exceptionnelle. Les 2 yeux sont touchés dans environ 20% des cas.
C/ Quels sont les examens à faire?
Le premier examen se pratique lors de la consultation chez l’ophtalmologiste. Il s’agit du fond d’œil. Le médecin instille d’abord des gouttes pour dilater la pupille afin d’observer la rétine.
Vous serez gêné pour la lecture pour les 2 heures suivantes et il est déconseillé de conduire tout de suite.
Au fond d’œil, on visualise directement la rétine et la macula. On note une brillance anormale de la rétine sur la macula. On peut observer un épaississement de la macula et une déformation des vaisseaux de la rétine.
Fond de l’œil gauche (1)
Fond de l’œil droit (2)
Fond de l’œil droit filtre bleu (3)
Fond de l’œil gauche (1)
On voit le nerf optique (tache blanc-jaune) sur la gauche et la macula (tache rouge) au centre de l’image. Tout est normal.
Fond de l’œil droit (2)
On voit le nerf optique (tache blanc-jaune) sur la droite, il est normal.
Par contre, la macula (tache rouge) au centre de l’image est anormale. Il existe un reflet gris autour de la macula, c’est la membrane. Elle est contractile et est à l’origine de plis radiaires de la rétine autour de la macula.
Fond de l’œil droit avec filtre bleu (3)
On voit très bien la membrane (blanc) et les plis de la rétine autour de la macula.
Ensuite, l’examen OCT (Ocular Coherence Tomography) est très important, c’est une sorte de super-échographie en haute résolution. L’examen est très simple, rapide et non douloureux. Il permet de confirmer le diagnostic de membrane et d'analyser le retentissement de cette membrane sur la macula, on visualise très bien la modification anatomique de la macula et notamment son épaississement notée en microns. L’épaississement normal de la macula est inférieur à 300 microns (figure 4, 5 et 6).
OCT œil gauche (4)
La macula, zone localisée au centre de la rétine, apparaît ici amincie, la surface est un peu creusée. L’épaisseur de la rétine maculaire est de 256µ. Cet aspect est parfaitement normal. La vision est de 10/10.
OCT œil droit (5)
La macula, zone localisée au centre de la rétine, apparaît ici très épaissie. La surface est hyper-réflective par la membrane. L’épaisseur de la rétine maculaire est de 543µ. La vision est de 3/10.
OCT œil droit (6)
L’OCT passe au niveau des plis rétiniens.
La surface de la rétine est irrégulière et on voit très bien la membrane qui plisse la rétine.
D/ Quel traitement proposer ?
En l’absence de traitement, on observe une perte progressive de la vision fine par destruction de la macula. Le seul traitement possible est chirurgical et vise à enlever la membrane qui est à l’origine de la baisse de vision.
Le traitement se fait au bloc opératoire. L’anesthésie est locorégionale dans la majorité des cas et consiste à injecter un produit anesthésiant autour de l’œil. La personne opérée est donc consciente, c’est une chirurgie non douloureuse. Parfois, cette chirurgie peut se faire sous anesthésie générale si nécessaire.
L’hospitalisation se fait en ambulatoire dans la journée. Le lendemain, on téléphone pour prendre des nouvelles et vérifier que tout se passe sans problème.
La chirurgie se fait sous microscope avec des instruments de microchirurgie dont le diamètre est de 0,5 à 0,6mm. On effectue 2 ou 3 orifices dans le blanc de l’œil. On effectue ensuite une vitrectomie (section et aspiration d’une partie du vitré). Cette vitrectomie enlève le vitré au centre de l’œil et le vitré devant la macula. On utilse ensuite une micropince dans l’œil pour aller pincer la membrane et la détacher de la rétine. Il s’agit du même geste que « décoller un post-it d’une tapisserie ». Les orifices sont auto-étanches mais peuvent exceptionnellement nécessiter un fil de suture qui disparaîtra spontanément en 3 semaines.
Parfois, la chirurgie de la membrane peut être associée à la chirurgie de la cataracte (chirurgie combinée). En effet, l’opacité de la cataracte peut géner la visualisation de la membrane. Il est alors nécessaire d’associer les 2 chirurgies dans le même temps opératoire.
E/ Que se passe-t-il tout de suite après la chirurgie?
Vous sortez de la clinique avec une ordonnance qui comporte des collyres dilatateurs de la pupille, collyres antibiotiques et anti-inflammatoires.
Les suites opératoires ne sont pas douloureuses. Tout au plus, on peut ressentir des picotements ou sensation de gravier qui ne sont pas inquiétants. Par contre, la perception d’une douleur intense les jours suivants la chirurgie doit vous faire prévenir rapidement votre chirurgien.
La protection de l’œil par une coque uniquement la nuit est souhaitable pendant 1 semaine. La journée, il n’est pas nécessaire de porter une protection. Par contre, il est impératif d’éviter les milieux sales et poussiéreux. Il est également souhaitable de ne pas aller en piscine pendant les 2 semaines qui suivent la chirurgie.
F/ Quelle va être ma vision après l’opération?
La vision est imparfaite dans les suites immédiates de la chirurgie et celle-ci va s’améliorer de façon variable dans les semaines qui suivent.
Le premier signe d’amélioration est la diminution progressive des déformations visuelles. Cette amélioration peut être très rapide, parfois quelques jours après la chirurgie. La disparition de ces métamorphopsies est possible mais, souvent, il persiste une petite déformation résiduelle qui n’est pas génante les 2 yeux ouverts.
Pour l’acuité visuelle, cela dépend de l’ancienneté et de l’importance de l’atteinte rétinienne. Il faut comprendre que le but de la chirurgie est de supprimer la membrane épirétinienne, de stabiliser la vision et de donc de stopper la dégradation progressive de l’acuité visuelle. Si l’état de la rétine n’est pas trop altéré, on peut noter une amélioration de la vision.
La stabilisation de la vision se fait entre 3 et 6 mois après la chirurgie.
G/ Existe-t-il des risques de complications?
Malheureusement oui, toute chirurgie peut induire des complications ; classiquement le risque 0 n’existe pas.
Cependant, les progrès techniques de la chirurgie ces dernières années ont permis de faire diminuer significativement ces risques. Pour les yeux qui n’ont pas été opérés de la cataracte, il faut savoir qu’une catarate va se développer rapidement après la chirurgie de la membrane. En moyenne, cette chirurgie secondaire de la cataracte se fait 1 an après la chirurgie de la membrane. Elle permet de retrouver le bénéfice visuel obtenu après la chirurgie de la membrane.
Les complications sont en fait relativement rares. La plus fréquente est le décollement de la rétine. Sa fréquence est de 2% environ. Les signes visuels correspondent à la perception d’un voile gris dans le champ visuel. Une prise en charge en urgence avec une nouvelle intervention est nécessaire. En cas de non guérison, la perte de la vision est possible.
Le risque de l’infection de l’œil (endophtalmie) est de 2 pour 1000. C’est un risque rare heureusement mais que nous craignons tous malgré les précautions strictes et rigoureuses prises au bloc opératoire. Une prise en charge rapide est nécessaire en cas de douleurs anormales et/ou de baisse de la vision. Le traitement en urgence apporte souvent la guérison mais la perte de la vision reste possible.
D’autres complications telles que inflammation intra-oculaire, hypertension oculaire sont souvent traités avec de bons résultats. L’apparition d’un œdème maculaire de la macula est possible. Il traduit le fait qu’il y a eu une souffrance rétinienne durable par la membrane. Le traitement donne souvent de bons résultats. Les récidives de membrane épirétiniennes sont possibles mais très exceptionnelles.
H/ Conclusions
En conclusion, le traitement chirurgical des membranes est très satisfaisant. Sur le plan anatomique, on observe une diminution de la souffrance rétinienne par une diminution de l’épaississement de la macula en OCT. Sur le plan fonctionnel, il existe rapidement une diminution des déformations visuelles avec une stabilisation ou une amélioration de la vision.